Interview de Clément Lanfranchi, chef invité du prochain Week-End Jeune Chœur
Bonjour Clément Lanfranchi, vous êtes chef de chœur et d'orchestre et vous nous faites le plaisir d'être notre premier chef invité au sein des Week-ends Jeune Chœur à Saint Eustache à Paris. Merci d'avoir accepté ce challenge qui est de travailler en deux jours un répertoire musical exigent avec de jeunes chanteurs et de les interpréter dès le dimanche soir à l’Église Saint Eustache.
Pour vous, qu'apporte le chant choral et qu'est-ce qui vous plait dans un tel projet ?
Tout d’abord je tiens vivement à remercier mon ami Christopher Gibert, chef de chœur et compositeur de talent, qui m’a invité sur ce projet avec la collaboration de l’association Anima Nostra. Cela fait quelques temps que nous travaillons ensemble et c’est avec grand plaisir que j’ai accepté de venir en tant que chef invité sur ce projet unique.
Ce qui m’a plu dès le départ quand on m’a parlé du projet, c’est ce challenge assez ambitieux je dois dire, et à la fois très excitant, de monter des pièces du répertoire en quelques heures à peine. Cette idée de « master-class » en deux jours est vraiment intéressante, on se consacre donc uniquement aux pièces dès la première seconde de répétition car le temps passe vite et l’on doit apprendre à se connaitre musicalement et humainement très vite.
Alors qu’apporte le chant choral ? Je dirai que ça apporte la cohésion. Chacun à sa manière a une approche, une technique, un vécu, quel qu’il soit d’ailleurs, que l’on vienne du milieu professionnel ou non. Et cette rencontre éphémère permet à toutes ces personnes de se rencontrer, à la fois musicalement et humainement, et d’emprunter ensemble un chemin musical. J’ai toujours pensé que le chant choral était une excellente école de la vie. J’ai eu la chance de pratiquer dès mon plus jeune âge durant mes études au Conservatoire, et cela m’a beaucoup appris sur le travail d’équipe, l’esprit d’entraide et de partage. Je crois que c’est la meilleure discipline apprendre tout cela, en plus d’apprendre un langage artistique. Ce projet est intéressant car il permet à des jeunes, qui n’auront peut-être pas l’opportunité ou l’idée de participer à de grandes master-class, de vivre un moment musical unique juste le temps d’un week-end, et peut-être, qui sait, qu’ils voudront plus tard aller plus loin !
Inscrivez-vous au prochain Week-end Jeune Chœur les 24 et 25 mars ici.
Qu'elle est votre vision de la direction de chœur et d'orchestre au regard de vos expériences passées ? J’ai eu la chance de pratiquer très jeune la direction, dès l’âge de 15 ans. Mon professeur de direction de chœur, Rolandas Muleïka, avec qui je travaille maintenant depuis quelques années, m’avait dit un jour : « Si tu veux être chef d’orchestre, tu dois passer par l’apprentissage de la voix et de la direction de chœur. Cela te permettra de pouvoir tout faire. » Je pense vraiment qu’il avait raison, et pour moi aujourd’hui, toute forme de musique, et bien entendu la musique instrumentale, possède une sorte de vocalité. Toute musique a sa « propre voix » et donc entre orchestre et chœur il n’y a pas tant de différences comme on pourrait le penser parfois. La seule différence est que tout le monde peut participer à un chœur car tout le monde a une voix et peut s’en servir plus ou moins rapidement. Cela touche toute personne sensible à la musique et je trouve cela merveilleux. Pouvoir diriger un orchestre symphonique est aussi intéressant pour moi que de travailler avec un chœur, car il se passe toujours quelque chose de nouveau, on trouve des ambiances, on vit des moments uniques, en répétition ou lors d’un concert. Bien sûr le rôle du chef est de guider, de montrer la voie et à donc une responsabilité vis-à-vis du public, mais j’aime à penser qu’avec simplement une gestuelle, on puisse faire en sorte qu’un groupe interprète une même partition, tous ensembles, dans une quête d’harmonie; j’aime beaucoup cet aspect de mon métier.
Quel regard portez-vous sur l'interprétation du répertoire sacré de nos jours ? Beaucoup d’ensembles se sont formés depuis plusieurs dizaines d’années maintenant, et nombre de musiciens et musicologues se sont penchés sur l’étude du genre de la musique sacrée. On peut citer des chefs comme Nikolaus Harnoncourt ou William Christie qui ont énormément œuvré pour que la musique sacrée soit comprise et appréciée comme elle l’était autrefois. Il y a bien sûr plusieurs écoles mais dans l’ensemble je pense qu’aujourd’hui il est impossible de dire que l’on ne peut pas savoir exactement comment interpréter la musique sacrée, qu’elle vienne du style baroque classique ou romantique. C’est au chef après de faire des choix artistiques, avec une vision précise, en lien bien sûr avec l’époque de composition de l’œuvre, pour amener ses chanteurs ou instrumentistes vers ce qu’il imagine.
Qu'est-ce qu'un projet comme les Week-end jeune chœur à Saint Eustache peut apporter selon vous à la musique sacrée au sein de la liturgie ? Vous savez j’ai fréquenté pas mal d’églises. J’ai eu aussi l’occasion de travailler avec des communautés religieuses, notamment avec les moines Dominicains de Montpellier du temps où j’étudiais là-bas. Et actuellement je travaille à Toulouse dans une chapelle en tant que chef et aussi organiste liturgique. Ce qui m’a frappé depuis toutes ces années, c’est très souvent le manque cruel de répertoire utilisé pour les messes. Bien sûr peu d’églises maintenant utilisent le latin et le langage grégorien dans la liturgie, mais c’est le cas là où je travaille actuellement, et pendant l’office, nous pouvons passer d’un cantique polyphonique à une psalmodie grégorienne et inversement. C’est passionnant de pouvoir interpréter des langages musicaux différents. On se rend compte que le répertoire est tout simplement immense grâce à tous les compositeurs laïcs et membres du clergé qui se sont succédés au fil des siècles pour nous apporter cette musique. Depuis l’époque baroque jusqu’à aujourd’hui, nous trouvons des œuvres magnifiques, et certaines peuvent être interprétées par des chœurs paroissiaux. Je suis un peu triste de voir que depuis quelques années, on s’accorde à dire qu’il faut simplifier les musiques pour que les fidèles puissent chanter. Je pense que c’est véritablement une erreur.
Les grandes œuvres du répertoire ont leur place dans la liturgie. Elles élèvent et accompagnent les prières des fidèles aussi bien voire plus que certains chants actuels. Alors bien sûr parfois elles ne sont pas toutes en latin ou en français, mais qu’importe, c’est notre rôle, musiciens, de transmettre ce répertoire à tout un chacun et de faire découvrir ou redécouvrir ces musiques au plus grand nombre. « N’ayez pas peur » comme le disait un certain pape. C’est en transmettant qu’on élève les Hommes, et je suis heureux quand, à la fin d’une représentation en concert ou après un office, certains viennent me voir, ou bien je peux entendre dans la foule les témoignages de joie après avoir entendu ces œuvres. Des compositeurs comme Mendelssohn, Bruckner, Liszt, Mozart et bien d’autres n’ont pas seulement écrit des grandes pièces pour grand orchestre et chœur. Certaines, assez courtes parfois, sont de véritables bijoux, et je pense qu’il faut apporter ce répertoire. Ce projet des Week-ends Jeune Chœur à St Eustache fait partie de ces opportunités qu’il faut saisir pour mettre en lumière ces musiques.
Vous avez choisi comme œuvres principales de ce stage le Psaume 42 de Mendelssohn et Locus Iste de Bruckner, pouvez-vous nous en dire quelques mots ? Ces deux œuvres sont très intéressantes déjà par leur texte. Le psaume 42 est un texte poignant de recherche de Dieu, de recherche dans la foi, d’une volonté désespérée de trouver Dieu, et le texte du Locus Iste nous parle de l’église, la Maison de Dieu « inaestimabile sacramentum, irreprehensibilis est. » comme il est dit « Un sacrement inestimable, il est irréprochable. ». Ce graduel est explicitement écrit pour l’anniversaire d’une église, et l’on sent l’engouement déjà dans le texte, l’Amour de l’Homme pour Dieu à travers les édifices qu’il a construit en son nom.
Ce sont deux œuvres assez connues et jouées régulièrement, et elles permettront à certains je suis sûr, de découvrir un répertoire romantique à la fois empli de sentiments mais aussi de recueillement car ces chants sont aussi un bon accompagnement à la prière.
J’ai eu le plaisir de diriger ces œuvres déjà par le passé et pour moi elles ont cette capacité à transporter l’auditeur, et elles s’intègrent parfaitement je trouve dans la préparation de la fête de Pâques qui approche à grand pas.
Comment vous sentez-vous à l'approche de ce premier Week-end de formation en tant que chef invité ?
Je dois avouer que je suis très impatient de rencontrer ces jeunes choristes et de commencer les répétitions. Je pense que de chanter ce répertoire dans cette immense église de Saint-Eustache va être un grand moment et un beau challenge pour moi et le chœur. Nous avons la chance d’avoir aussi deux organistes pour nous accompagner, François Olivier à l’orgue de Chœur, et aussi Baptiste-Florian Marle-Ouvard au Grand-Orgue, et je suis très heureux de voir que tout a été fait pour que ces deux jours soient uniques. Je remercie encore une fois toute l’équipe du projet de m’avoir invité et je serai ravi de vous retrouver pour ce dernier week-end de Mars !
Inscrivez-vous au prochain Week-end Jeune Chœur les 24 et 25 mars ici.
Interview écrite proposé par Anima Nostra - Week-end Jeune Chœur de St Eustache à Paris, écrite à Toulouse le 13 mars 2018.
Découvrez le site internet de Clément Lanfranchi
Crédit Photo : Jean-Christophe B Photos
Informations inscriptions : jeunechoeur@saint-eustache.org
Les Week-End Jeune Chœur ont organisé grâce au soutien de l'équipe pastorale de la paroisse de l’Église Saint-Eustache.